Du plus que je me souvienne, j'ai toujours aimé écrire. Bien sûr, plus jeune, j'écrivais des lettres et des poèmes à ma mère et mon père, comme tout enfant désirant l'attention et l'affection de leurs parents. Cependant, j'ai décidé de m'y mettre à fond dans le but de laisser une trace de mon passage derrière moi, après mon départ. Je m'excuse en avance si le message que j'inscris ici détonne avec l'image de couverture mignonne de ce cahier.
Je me tiens devant le cercueil de Madame Perreault, et je ne peux m'empêcher de penser que la prochaine fois, ce sera moi qui sera étendue là (pardonnez-moi la morbidité de mes propos!). Je tiens fermement la main tiède de ma maman et je balaie du regard le cimetière. Tous sont réunis ici, la tête basse, les larmes aux yeux, discourant de la bonté de la défunte. On l'avait retrouvé dans son petit appartement, couchée au sol sur le dos dans sa chambre, et à ses côtés une boîte cylindre d'une prescription, renversée. Je regarde la propriétaire de Madame Perreault qui parle de sa colocataire et je fronce les sourcils. Ah, ce que les gens sont hypocrites! Personne n'en avait à faire de la vieille folle du village avant qu'elle ne décède, et cette dame encore moins! Combien de fois l'avais-je surprise à commérer avec les autres bonnes femmes de la place dans son dos. "Madame Perreault par ci, Madame Perreault par là", que de foutaises! Je roulai des yeux et décidai de ne plus écouter les adultes. Lâchant la main de ma mère, je m'écartai lentement du groupe pour me promener dans le cimetière. Tant qu'à finir enterrée ici, aussi bien en faire tout de suite mon chez-moi.
Je marchai en regardant mes pieds, les mains dans les poches et je kickai toutes les roches que mon chemin croisait. Je levai les yeux, prête à me retourner et retourner sur mes pas lorsqu'une silhouette attira mon attention : un enfant de mon âge qui, appuyé sur la grille métallique séparant le cimetière du village, me regardait. Il avait une peau très foncée, et ses yeux profonds me firent frémirent. Je lui rendis un regard mécontent, fâchée d'avoir été prise par surprise par un inconnu. Il me sourit de ses dents blanches, puis s'éloigna en courant rejoindre une dame qui semble être sa mère. Je les talons avec presse et rejoins ma mère. Le village est bien petit, il n'y a pas un enfant que je ne connais pas, à l'exception de ce gamin. Bah, peut-être est-il que de passage, me dis-je.